jeudi 19 février 2009

Déjà plus de 6 mois : Que fait la HALDE ?


Plus de 6 mois après avoir déposé un recours pour demander l'annulation d'une circulaire de la sécurité sociale qui incite les médecins à porter réclamation contre leurs patients bénéficiaires de la CMU qui ne respecteraient pas leurs traitements, la HALDE n'a toujours pas donné suite à la demande du CoMeGAS.

On comprend certes le malaise de la HALDE.

On imagine que consigne a été donnée en haut lieu à la HALDE d'attendre la fin de la discussion du projet de loi HPST dont un des chapitres évoque les refus de soins illégaux des professionnels de santé aux plus pauvres de notre société. Mais il est probable que la HALDE n'ait pas besoin de consignes pour se soumettre par elle-même aux contingences politiciennes.

"La HALDE ne serait-elle qu'un des alibis de la normalité des pouvoirs ?"

C'est la question que pose Georges Yoram FEDERMANN, psychiatre membre du CoMeGAS, dans son article "Hippocrate ? J'avais entendu hypocrite" paru dans le numéro 24 de SINE-Hebdo de cette semaine

A lire d'urgence (cliquer sur l'image, ou texte ci-dessous )
Je donnerai mes soins gratuits à l’indigent… et n’exigerai jamais un salaire au-dessus de mon travail. » Cet extrait du serment d’Hippocrate nous est si familier que personne ne s’est rendu compte qu’il s’est vidé de sa substance au point que l’on peut se demander si le fait d’imposer aux futurs médecins, du moins en France, de prêter serment au moment de la soutenance de la thèse pour pouvoir exercer ne constitue pas un geste de suspicion à leur égard.
En effet, si la société était vraiment sûre d’eux, elle n’aurait pas cette exigence car l’exercice inconditionnel de l’accueil en médecine irait de soi !
La saisine de la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) par le Comegas (Collectif des médecins généralistes pour l’accès aux soins), pour la deuxième fois en deux ans, au sujet du refus de soins opposé par certains professionnels de la santé aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) montre bien que beaucoup de médecins continuent à considérer, avec bon nombre de politiques, la pauvreté comme une sorte de punition divine qui vient frapper ceux qui ont péché ou démérité. Comme au Moyen Âge.
L’assurance maladie elle-même, depuis juin 2008, autorise les médecins à porter plainte ou réclamation contre les bénéficiaires de la CMU dont « certains comportements seraient considérés comme abusifs : rendez-vous manqués, retards injustifiés, traitements non suivis, exigences exorbitantes ».
Jadis, donc, on considérait que les « fous » et les vénériens devaient leur état au fait d’avoir commis une faute. On peut se demander si aujourd’hui ce type de conviction n’est pas toujours à l’œuvre dans notre société « moderne-parce-que-matérialiste », qui n’arrive pas à admettre qu’elle puisse, dans son espace démocratique idéalisé, générer de la pauvreté, de la souffrance, de l’exclusion, du malheur et de la mort.
Plutôt que de se demander comment former, durant leurs dix années d’études, les futurs médecins à exercer leur jugement et leur discernement pour offrir dans leurs cabinets un accueil inconditionnel « à la Hippocrate », on va chercher à culpabiliser, à criminaliser même, les pauvres, les demandeurs d’asile, les chômeurs en fin de droit, les mères célibataires…
Quand donc les enseignants et les pédagogues décideront-ils de convaincre les médecins (et de se convaincre eux-mêmes) que la pauvreté n’est pas une faute ou une maladie mentale mais la conséquence de dysfonctionnements idéologiques et politiques ?
Quand privilégieront-ils l’importance de la prévention en médecine, comme c’est le cas au Canada, où l’importance de l’environnement est prise véritablement en compte jusque dans le serment des futurs médecins. Nous savons en effet que, s’agissant des déterminants intervenant dans l’amélioration de la santé, environ 60 % sont liés aux facteurs d’environnement physique, social et psychologique (travail, famille, patrie…), 30 % aux facteurs biologiques (diabète, cholestérol…) et seulement 10 % sont liés au système de soins !
La Halde a été créée le 30 décembre 2004 et publie des avis extrêmement riches et critiques, souvent très médiatisés. Mais elle n’a qu’un pouvoir consultatif et ses interventions restent parfois sans suite. Elle devient alors la caution d’une bonne conscience générale qui permet l’expression du mépris des pouvoirs envers les pauvres et les marginalisés, nécessairement paresseux, fraudeurs, calculateurs et profiteurs.
La Halde ne serait-elle qu’un des alibis de la normalité des pouvoirs ?