jeudi 21 août 2008

Non. Le CoMeGAS n’a pas mal interprété la circulaire de la sécu autorisant les médecins à porter plainte contre leurs patients bénéficiaires de la CMU

Communiqué du CoMeGAS – 21 août 2008

Circulaire de la sécu sur le refus de soins aux bénéficiaires de la CMU complémentaire




Le 14 août dernier, la ministre de la santé, Madame Roselyne Bachelot, a été interrogée sur la radio RMC en direct de Pékin à propos de la circulaire de la sécurité sociale autorisant les médecins à porter plainte contre les patients bénéficiaires de la CMU complémentaires. Le Collectif des Médecins Généralistes pour l’Accès aux Soins (CoMeGAS) a été amené le 1er août dernier à saisir de nouveau la HALDE sur le caractère discriminant de cette circulaire.


L’interview de la ministre peut être écoutée là :
http://tinyurl.com/56v345 (à partir de la 10ème minute sur 19, durée : 2 mn environ)
Le communiqué de presse du 1er août, la lettre de saisie de la HALDE et la circulaire de la sécu sont disponibles à la page : http://www.leblogducomegas.blogspot.com.

La ministre s’attribue l’initiative de cette circulaire. Elle semble s'inscrire au contraire dans le cadre des recommandations à la sécurité sociale du "Rapport Chadelat" publié le 30 novembre 2006 suite aux premières saisies de la HALDE par le CoMeGAS et le CISS. La ministre estime que cette circulaire a été mal interprétée. Au contraire.

C’est la première fois qu’une circulaire autorise les médecins à porter plainte (le terme est précisé ainsi dans la circulaire) auprès d’un organisme de sécurité sociale, contre certains de ses assurés, sélectionnés selon des critères économiques et sociaux.


Pour une politique de santé publique fondée sur des faits et non sur des préjugés

Le CoMeGAS réaffirme la nécessité de fonder une politique de santé publique et d’accès aux soins des plus fragiles de notre société, sur des faits solides et des preuves établies, au lieu de jugements et d’opinions infondés, et d’a priori idéologiques.

Le CoMeGAS rappelle que le fait que les bénéficiaires de la CMU se comporteraient "moins bien" que le reste de la population ne repose strictement sur aucune preuve. La "bonne éducation" n’est pas plus l’apanage de ceux qui payent que la "mauvaise" celui de ceux qui ne payent pas pour des motifs économiques et sociaux. Les initiatives du gouvernement de la république et celles de la sécurité sociale, pilier de la solidarité nationale, ne peuvent se fonder sur de tels préjugés idéologiques et malsains.

Le CoMeGAS rappelle que, à l’inverse de ce qui est écrit dans la circulaire et de ce que prétendent certains médecins, affirmer que la gratuité des soins « déresponsabiliserait » les patients, est une contre-vérité voire un mensonge. Les faits et les preuves existent en effet depuis longtemps qui démontrent la fausseté d’une telle affirmation. Ces faits et preuves ne doivent plus être ignorés ou niés.

Le CoMeGAS rappelle que plus on descend dans l’échelle sociale, plus les populations sont malades et meurent tôt. Plutôt que de dresser des obstacles fondés sur des préjugés à l’encontre de patients plus malades que le reste de la population, le CoMeGAS demande une politique de santé publique réduisant réellement les nombreuses inégalités sociales de santé, plus importantes en France que dans le reste de l’Europe, à l’origine de morbidité et de mortalité plus élevées au bas de l’échelle sociale.


Une circulaire discriminatoire : la pire des réponses à un vrai problème

La question de l’accès aux soins des plus défavorisés est un problème majeur de santé publique. Le ministère de la santé et la sécurité sociale ont raison de s’en saisir, mais il est aberrant de penser résoudre ce grave problème en stigmatisant ceux qui en sont victimes. Le CoMeGAS réclame la mise en place, entre autres par la formation professionnelle conventionnelle financée par la sécurité sociale, d’ une formation des médecins à la problématique des inégalités sociales de santé, aux réalités des vies des populations précarisées, et aux spécificités sanitaires et relationnelles de leur prise en charge.

Le CoMeGAS demande que chaque usager du système de santé en France soit traité de la même façon quelle que soit la façon dont il accède aux soins. Le CoMeGAS réaffirme la dimension discriminatoire de cette circulaire, en appelle à l’arbitrage de la HALDE, et demande son retrait.

Contact presse : Docteur Philippe Foucras 0625172334

vendredi 1 août 2008

Refus de soins aux bénéficiaires de la CMU : le CoMeGAS saisit de nouveau la HALDE

1er août 2008 - Communiqué de presse du CoMeGAS


Deux ans après sa première saisie de la HALDE suite aux refus de soins aux bénéficiaires de la CMU de la part de certains professionnels de santé, mis en évidence par un testing, le CoMeGAS (COllectif des MEdecins Généralistes pour l’Accès aux Soins) saisit de nouveau la HALDE pour les mêmes raisons. La HALDE avait à l’époque (délibération 2006-232 du 6 novembre 2006) confirmé et précisé le caractère discriminatoire de ces refus de soins. Elle avait recommandé aux organismes de sécurité sociale, entre autres, de prendre les mesures nécessaires d’information des usagers et des professionnels de santé, de prévention et de sanction de ces comportements. Les suites médiatiques et politiques qui avaient suivi avaient été importantes : rapports, prises de positions variées et polémiques, conférences de presse ministérielles et déclarations d’intention, etc. Le CoMeGAS avait été étrangement oublié lors des concertations qui avaient eu lieu.

En juin 2008, l’Assurance Maladie vient de publier sa « Lettre aux médecins » n° 29 et la circulaire 33/2008 qui autorisent les médecins à porter plaintes et réclamations contre les bénéficiaires de la CMU dont certains comportements seraient considérés comme abusifs. Parmi lesquels :
  • retards injustifiés aux rendez-vous
  • rendez-vous manqués et non annulés
  • traitements non suivis ou interrompus
  • exigences exorbitantes…

Or aucune étude n’apporte la preuve que ces comportements “abusifs” seraient plus fréquents chez les bénéficiaires de la CMU que chez les autres assurés sociaux. Le CoMeGAS dénonce le caractère discriminatoire de ces mesures, voire illégal pour celle concernant l’observance des traitements. L’Assurance Maladie semble ainsi cautionner les a priori négatifs et infondés de certains médecins envers les plus fragiles de notre société. Le CoMeGAS saisit de nouveau la HALDE pour que le caractère discriminatoire de ces mesures prises par l’Assurance Maladie soit reconnu et qu’elles soient annulées.

Le CoMeGAS souligne le caractère consternant d’une situation qui amène l’Assurance Maladie solidaire à autoriser des soignants à porter plainte contre ses assurés, pour tenter de régler ce qui ne sont que des difficultés relationnelles, dues à des a priori envers les plus fragiles de notre société. Cela dresse le constat d’une formation insuffisante des professionnels de santé, et des médecins en particulier, à la connaissance des réalités de vie des populations les plus fragiles et les plus malades de notre société et à leur prise en charge, alors que, du fait de leur mission soignante, ils devraient en être les “experts”. Le CoMeGAS juge prioritaire que la formation à la prise en charge des populations précarisées soit inscrite dans les programmes universitaires des futurs médecins, et dans les thèmes de formation médicale conventionnelle des médecins financés par l’Assurance Maladie

Le CoMeGAS estime enfin que cette situation révèle une réflexion éthique insuffisante au sein de l’Assurance Maladie sur les problématiques des soins aux plus fragiles, due sans doute à l’absence des représentants de ces populations au sein de ses structures de conseil. Ces carences amènent à répondre sans discernement à des demandes abusives de la part de professionnels de santé fondées sur des a priori sur les « pauvres ». Elles conduisent le pilier de la solidarité nationale qu’est l’Assurance Maladie à prendre des mesures discriminatoires pour lutter contre des discriminations ! Le CoMeGAS souhaite que l’Assurance Maladie tienne compte de l’expérience des populations précarisées et des professionnels de santé qui les accompagnent avant de décider de telles mesures.

Contact : Dr Philippe Foucras 0625172334

Lire :
- la lettre de saisie de la Halde par le CoMeGAS
- la « Lettre aux médecins » n° 29 de l’Assurance Maladie
- la circulaire 33/2008 de l’Assurance Maladie

La lettre de saisie de la Halde par le CoMeGAS

CoMeGAS
Collectif des Médecins Généralistes pour l’Accès aux Soins


Le 1er août 2008



Monsieur Louis SCHWEITZER
Président de la HALDE
11 rue Saint Georges
75009 PARIS



Monsieur le Président,


Par un courrier du 27 juin 2006, j’avais eu l’honneur de saisir la HALDE au nom du Collectif des Médecins Généralistes pour l’Accès aux Soins (CoMeGAS) sur le caractère discriminatoire des refus de soins aux malades bénéficiaires de la CMU, mis en évidence par le rapport du fonds CMU publié le 21 juin 2006. Par la suite, le CISS et le Docteur Georges Yoram Federmann avaient effectué auprès de vous cette même démarche.

Par votre délibération 2006-232 du 6 novembre 2006, la HALDE avait confirmé et précisé le caractère discriminatoire de ces pratiques. Pour prévenir la réitération de tels faits, vous aviez recommandé aux organismes de sécurité sociale, entre autres, de prendre les mesures nécessaires d’information des usagers et des professionnels de santé, de prévention et de sanction de ces pratiques. Je ne reviendrai pas sur les suites médiatiques et politiques qu’avaient entraîné cette saisie et la délibération de la HALDE. Rapports, prises de positions variées et polémiques, commissions et déclarations d’intention, etc., avaient suivi.

Pendant cette affaire, certains professionnels de santé, parfois responsables syndicaux ou ordinaux, avaient souligné ce qu’ils présentaient être des comportements anormaux, indisciplinés et abusifs des bénéficiaires de la CMU pour expliquer, voire justifier, les comportements illégaux, anti-déontologiques et discriminatoires de certains de leurs confrères ; comportements qui participent à l’aggravation des inégalités sociales de santé dans notre pays. Ces médecins mettaient en avant que les bénéficiaires de la CMU ne respecteraient pas les rendez-vous fixés, auraient des exigences particulières, des comportements inadaptés, etc. Certains, généralisant à partir de situations exceptionnelles et rarissimes, allaient jusqu’à mettre en doute la réalité de la situation matérielle des patients bénéficiaires de la CMU. Ces attitudes, selon eux, désorganiseraient le bon fonctionnement de leurs structures de soins, ou ne garantiraient pas les conditions de respect qu’ils estiment nécessaires à une bonne relation de soins.

Malheureusement jamais aucune preuve ni étude n’ont été apportées permettant d’asseoir ces allégations. Rien en particulier ne permet d’affirmer que ces comportements seraient plus fréquents chez les bénéficiaires de la CMU que dans le reste de la population. De plus, pour les populations les plus désocialisées, donc faisant partie des bénéficiaires de la CMU, des contraintes de rendez-vous trop strictes ou des formalités d’accès aux soins trop complexes peuvent constituer des obstacles à l’accès aux soins . En l’absence de tout élément de preuve démontrant la plus grande fréquence de comportements dits abusifs chez les bénéficiaires de la CMU, ces allégations restent infondées, et ne semblent reposer que sur des a priori et des généralisations abusives. Leur caractère discriminatoire semble avéré.

Professionnels de santé présents sur le terrain au coté des patients les plus vulnérables, les médecins du CoMeGAS savent bien que ces propos ne sont souvent tenus que pour tenter de justifier de façon hypocrite des refus de soins liés au niveau socio-économique et culturel des patients. Les membres du CoMeGAS savent même que certains professionnels, heureusement peu répandus, conscients des obstacles à l’accès aux soins que constituent pour les plus défavorisés les contraintes administratives, mettent en place des procédures complexes et discriminatoires susceptibles de décourager ces populations :
- plages horaires spécifiques de prises de rendez-vous téléphonique,
- plages de consultations « réservées » aux patients ayant la CMU,
- obligation de prise de rendez-vous par un tiers ou avec la lettre d’introduction d’un autre médecin,
- obligation de présenter la carte vitale pour bénéficier du tiers payant,
- etc.

Or l’Assurance-Maladie, dans sa « Lettre aux médecins » n° 29 de juin 2008 , ainsi que dans la circulaire 33/2008 signée de son Directeur Général, ayant pour objet « prise en charge des réclamations et plaintes formulées par les bénéficiaires de la CMU complémentaire ou par les professionnels de santé », officialise et prend à son compte ces allégations de certains médecins, en leur donnant la possibilité de porter réclamations et plaintes auprès du conciliateur de l’Assurance Maladie contre leurs patients bénéficiaires de la CMU complémentaire. Les comportements « abusifs » susceptibles de recours sont même énumérés :
- retards injustifiés aux rendez-vous
- rendez-vous manqués et non annulés
- traitements non suivis ou interrompus
- exigences exorbitantes…

Le CoMeGAS attire votre attention et celle de la HALDE sur le fait que ces procédures de plaintes et de réclamations ne concernent pas les autres assurés sociaux, non assujettis à la CMU, et qui se rendraient “coupables” de ces comportements. Ils pourraient donc les mener impunément. Le CoMeGAS estime discriminatoire cette possibilité donnée aux médecins de porter plainte spécifiquement contre les patients bénéficiaires de la CMU complémentaire, pour les griefs mentionnés dans ces documents ou tout autre motif.

Le CoMeGAS attire votre attention et celle de la HALDE sur l’atteinte aux libertés individuelles que constitue le troisième grief présenté comme abusif et intitulé : « traitements non suivis ou interrompus ». Les bénéficiaires de la CMU n’auraient ainsi plus le droit, contrairement aux autres citoyens, de décider de ne pas suivre un traitement ou de l’interrompre pour des raisons qui leur sont propres, sans prendre le risque d’être signalés à l’Assurance Maladie. Cette mesure s’oppose à l’esprit et à la lettre de la loi 2002-203 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins, et en particulier à l’article L.1111-4 du Code de la santé publique, créé par cette loi, qui concerne le respect de la liberté de choix des patients par les médecins.

Le CoMeGAS attire votre attention et celle de la HALDE sur le caractère arbitraire du quatrième grief intitulé « exigences exorbitantes… ». Sur quels critères en effet le professionnel de santé déciderait-il du caractère exorbitant de telle exigence ? L’exorbitance d’une exigence ne risque-t-elle pas d’être parfois inversement proportionnelle à la capacité du patient à la payer, favorisant ainsi des pratiques de soins à plusieurs vitesses et réduisant les soins aux bénéficiaires de la CMU à un « service minimum » garanti par la loi, au-delà duquel toute demande deviendrait potentiellement « exorbitante » ?

Le CoMeGAS craint que l’instauration de ces pratiques de signalement crée, pour des citoyens souvent en difficulté vis-à-vis des administrations, de nouvelles stigmatisations auprès des services de l’Assurance Maladie. Ces stigmatisations (patients étiquetés « à problèmes », « difficiles », « non-observants », etc.) augmenteront les sentiments de malaise, de honte et d’incompréhension de ces assurés dans leurs relations avec l’Assurance Maladie. Ces sentiments sont souvent générateurs de relations tendues, voire violentes, et ne font qu’aggraver les situations d’exclusion.

Le CoMeGAS estime que l’instauration de ces mesures de signalement revient à mettre sous conditions de « bon comportement » l’accès aux soins pour les personnes bénéficiaires de la CMU, rappelant ce que les dames d’œuvre du 19ème siècle exigeaient de “leurs” pauvres pour exercer leur charité. Des conditions qui ne sont pas exigées des autres assurés sociaux et mettent en évidence le caractère discriminatoire de ces mesures.

Le CoMeGAS attire enfin votre attention et celle de la HALDE sur le caractère absurde de cette mesure, qui consiste à mettre en place des mesures discriminatoires, voire illégales, pour mettre fin aux discriminations que constituent les refus de soins.

Au total, le CoMeGAS estime que ces mesures représentent une violation de l’article L.1110-3 du Code de la santé publique, créé par la loi du 4 mars 2002, qui stipule qu’ « aucune personne ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins. » En conséquence, le CoMeGAS demande à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité que soit reconnu le caractère discriminatoire et inégalitaire de cette circulaire 33-2008 et de cette « Lettre aux médecins » de l’Assurance Maladie, pour l’accès aux soins d’une partie de la population parmi la plus exposée aux troubles de santé. Nous demandons que la HALDE intervienne auprès de l’Assurance Maladie pour que ces dispositions soient annulées.

Le CoMeGAS souligne enfin le caractère consternant d’une situation qui amène l’Assurance Maladie solidaire à autoriser des soignants à porter plainte contre ses assurés, pour tenter de régler ce qui ne sont que des difficultés relationnelles, liées entre autres à des a priori envers les plus fragiles de notre société. Cela confirme le constat du CoMeGAS de la formation insuffisante des professionnels de santé, et des médecins en particulier, à la connaissance des réalités de vie des populations les plus fragiles et les plus malades de notre société et à leur prise en charge, alors que, du fait de leur mission soignante, ils devraient en être les “experts”. Le CoMeGAS juge prioritaire que la formation à la prise en charge des populations précarisés soit inscrite dans les programmes universitaires des futurs médecins, et dans les thèmes de formation médicale conventionnelle des médecins financés par l’Assurance Maladie

Regrettant de devoir, à nouveau, saisir la HALDE sur cette question fondamentale de l’accès aux soins des plus démunis, et ne doutant pas de l’attention favorable que vous voudrez bien accorder à notre requête, nous vous prions d’accepter, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.


Pour le CoMeGAS,
Docteur Philippe FOUCRAS